Filmées pour l’essentiel en Grèce, au Pirée, lors d’une exposition rétrospective à bord d’un cargo, des scènes quotidiennes (marchés, cafés, épiceries) alternent avec des détails ou vues d’ensemble des œuvres de Kounellis (1936-2017), dans un rythme lent et souple, propice au regard. Les images prises au steadycam approchent la matière qui échappe à la description.

Une certaine liberté, explique Kounellis dans ces Fragments de journal intime, peut naître du regard sur des tas de charbon, de fer, de pierre ou d’acier ; ces matières existant réellement, leur aspect symbolique n’intervient qu’en second plan. Il s’agit avant tout de se libérer du cadre : les œuvres ne sont pas des tableaux, mais des portions de réalité. Par exemple, des plaques de fer au format d’un lit double, sur lesquelles sont agencées des matières diverses, sont accrochées à une certaine hauteur comme des fresques dans une église. De cette manière, "l’artiste épouse la critique et le langage libertaire de son époque et, en réponse à une société fragmentée, il peut utiliser le fragment comme élément dramatique qui remplace une totalité dont la réalisation n’est plus possible".

(Christine Rheys)