Gertrude Stein avait entrepris de persuader sa compagne, Alice Toklas, de rédiger ses mémoires lorsqu’un jour, à court d’arguments, elle décida de les écrire elle-même : c’est donc sous sa plume que nacquit Autobiographie d’Alice Toklas (1932). S’inspirant de ce jeu d’écriture spéculaire, Arnaud des Pallières a puisé dans les écrits de Stein la totalité du commentaire de son Portrait incomplet.

"J’appartiens à une génération qui, née au XIX^e siècle, a passé toute la première partie de son existence à s’en évader et le reste à créer le XX^e siècle." Excepté une petite enfance viennoise, Gertrude Stein (1874-1946) vécut son temps d’"évasion" en Amérique, qu’elle voyait comme l’ancêtre du XX^e siècle. Mais c’est en France, où elle s’installe définitivement en 1903, qu’elle s’employa à tuer le XIX^e. Son arme : l’écriture. Son matériau, son champ d’expérimentation : la langue anglaise. Sa passion : l’exactitude. Précurseur de la littérature américaine contemporaine et figure emblématique de la modernité, elle contribua à la découverte de Cézanne, Matisse ou Picasso – qui comptait parmi ses amis. Elle côtoya Apollinaire, Crevel, Eliot, devisa avec Chaplin et prodigua ses conseils au jeune Hemingway.

(Myriam Bloedé)