Pour fêter dix ans d’activité, le ministère de la Culture commande en 1991 une série de "portraits" d’institutions culturelles. Robert Kramer y répond ("à cause de la guerre du Golfe", dit-il) et part pour la Normandie, la ville nouvelle d'Hérouville-Saint-Clair mais aussi les plages du débarquement. Sur un mode rhapsodique, Kramer tente de penser le destin du cinéma, le sien et celui du monde.

Dès 1980 et son exil en France (peut-être même, dès ses premiers films), les œuvres de Kramer s’articulent autour d’une identité problématique : jusqu’où peut-il être ou ne pas être Américain ? Alors qu’il prend pied sur les plages du Débarquement, ce questionnement apparaît très vite, ouvrant avec lui la profondeur d’une histoire du siècle que le cinéma accompagne nécessairement (comme le suggère Serge Daney, invité furtif). Geneviève Troussier, responsable du cinéma art et essai d'Hérouville l’affirme : le cinéma ne vaut que s’il sort de la salle de projection. Pour Kramer, il se dirige encore bien au-delà, derrière le décor médiatique, derrière le quotidien lui-même, à l’affût des traces d’une présence réelle. En ce sens, le cinéma ne saurait être loin de la pédagogie : il apprend à mieux voir, mais encore faut-il apprendre à le voir. Un décorateur de légende, un archiviste de films, des anonymes se croisent ici pour appuyer la démonstration de Kramer, voyageur en terre de cinéma.

(Mathieu Capel)