Pour ce film à la mémoire de Denise Bellon, Yannick Bellon (sa fille) et Chris Marker ont fait appel aux photographies qu'elle a réalisées dans les années 1930 et 40. "Denise Bellon saisit ce moment singulier où une après-guerre se transformait en avant-guerre. Chacune de ses photos montre un passé mais déchiffre l'avenir." Avec un superbe rythme, celles-ci s'alternent, donnant lieu à un commentaire historique et politique dit par Pierre Arditi.

L'agence Alliance-Photo, créée en 1934, annonce une nouvelle conception du reportage : "Fixer des instants, découvrir le monde est une aventure dans laquelle se jettent des photographes comme Capa, Seymour ou Denise Bellon." Avec enthousiasme, celle-ci témoigne des premiers congés payés, de la vie quotidienne des ouvriers et réalise des portraits (Giono, Barrault, Miller, Picasso, Duchamp, Bousquet, etc.). En reportage en Afrique, elle montre plusieurs aspects du colonialisme ; au Maghreb, elle photographie les légionnaires, les filles à soldats, une noce juive à Djerba. Pendant la "drôle de guerre", son objectif fixe le ramassage des ferrailles pour "l'acier victorieux", le froid, la faim, l'hiver, les petits métiers de rues qui disparaîtront à tout jamais. À Lyon, où elle s'est réfugiée pendant la guerre, son regard sensible saisit les traboules, qui seront les hauts lieux de la Résistance, mais aussi les derniers troupeaux de bœufs traversant la ville.

(Christine Rheys)