Envoyé par un juge pour enfant en Camargue auprès d'Ulysse pour y apprendre le métier de gardian (ouvrier agricole en charge des chevaux), Tom Medina aimerait changer le regard que les autres portent sur lui. Habité par d’étranges apparitions, le jeune homme se libère d’un drame passé qui le hante en se confrontant aux « énergies telluriques » du paysage du delta.

Tony Gatlif se souvient de sa propre adolescence et donne vie à un garçon fasciné par la magie et la superstition. En le faisant surgir, à l’orée de son film, dans l’arène où un torero refusait de combattre après avoir croisé un chat noir, le cinéaste imagine un personnage à la vitalité fantasque. Derrière son caractère frondeur, Tom Medina peine toutefois à dissimuler les blessures causées par des humiliations répétées, et rêve de s’épanouir à d’autres places que celles que l’on entend lui assigner. La confiance nouvelle que lui accordent Ulysse et sa fille Stella, ou encore Suzanne, une jeune activiste qu’il rencontre, va changer son destin. Tout en s’ouvrant à leurs sensibilités respectives, il s’initie à d’autres manières de se laisser traverser par la nature environnante et réussit progressivement à dompter ses propres peurs. Pour magnifier ce trajet mystique qui mène son héros, au gré de détours oniriques, à entretenir un rapport plus apaisé à sa condition d'exilé, Tony Gatlif s'appuie comme toujours sur la musique : rythmes flamenco et chants sauvages de différents horizons irriguent le film entier, déterminent sa forme même, toujours mouvante, puissante et libre.

(Damien Truchot)