Un même souffle pour deux ancrages géographiques : dans le Nord de la France, Hervé (Philippe Rebbot), ouvrier fatigué, la cinquantaine, perd son emploi à la suite de la délocalisation de l’usine dans laquelle il travaille ; dans la banlieue de Tunis, Foued (Mohamed Amine Hamzaoui), jeune ouvrier amoureux, rejoint l’usine ici relocalisée. Walid Mattar entremêle les trajectoires des deux hommes qu’a priori tout éloigne, mais animés par le rêve commun d’un horizon de liberté.

Pour Vent du Nord, Walid Mattar a puisé dans son propre parcours et son expérience personnelle. Enfant d'une banlieue ouvrière de Tunis en bord de mer, il a travaillé à l’usine avant de s’installer en France près de Boulogne-sur-Mer. Son premier long métrage s’inspire à la fois des difficultés qu'il a rencontrées et de la précieuse solidarité de classe qu’il a pu retrouver en traversant la Méditerranée, d’une ville côtière à l'autre. La force du film réside dans sa façon de s’écarter de la forme classique du drame social en privilégiant l'entrecroisement de deux vies parallèles. Après avoir acheté un bateau avec ses indemnités, Hervé espère vivre de la pêche, aidé par son fils ; devant un poste de travail similaire à celui qu’Hervé a été contraint d’abandonner, Foued compte sur ce nouvel emploi pour prendre soin de sa mère et se rapprocher de la jeune fille qui lui plaît tant. Au plus près des déplacements quotidiens et des gestes propres aux passions respectives des deux hommes, Vent du Nord fait résonner les déceptions de l’un avec les difficultés de l’autre, pour mieux interroger l'universalité des démarches et des attentes. Jusqu'à quel point prendre des risques à contre-courant pour déjouer ce qui s'obstine à vous faire dériver ?

(Damien Truchot)