Au détour de flâneries dans les rues de Paris et Berlin, dans des musées, confronté à des extraits de films projetés sur des façades d’immeubles, le philosophe et sociologue Egdar Morin relate à Céline Gailleurd et Olivier Bohler son itinéraire personnel et intellectuel, en constante résonnance avec le cinéma. Outre des lectures par Mathieu Amalric d’extraits de ses textes, le film accompagne ces évocations de nombreuses images d’archives.

De la "cinéphagie" d’enfance à la cinéphilie d’adolescence, de la fascination léthargique à la réflexion politique, Morin a toujours observé les films sous un double rapport où l’intime et l’émotion sont inséparables de mécanismes sociaux plus généraux : le cinéma donne donc prise à une possible étude de l’homme. En témoignent ses articles et livres sur le cinéma, ainsi que la réalisation avec Jean Rouch de Chronique d’un été (1960), film fondateur du cinéma-vérité qui interroge le rendu du réel, l’implication des intervenants, le rapport à la vie quotidienne, et constitue une vue en coupe d’une époque aussi bien que ses liens avec le passé (tel le matricule concentrationnaire de Marceline Loridan). Car le cinéma, pour le juif résistant, orphelin de mère, à qui Rossellini empruntera le titre - d’un livre sur Berlin libéré - Allemagne année zéro, est aussi constitué de ces ombres et de ces ruines : un "instrument de rédemption", permettant de saisir "la totalité humaine".

(Pierre Eugène)