Des pêcheurs siciliens de La terra trema (1948) aux princes allemands de Ludwig (1973), Luchino Visconti (1906-1976) a construit une œuvre d’une richesse incomparable. Carlo Lizzani, ancien compagnon de route, propose ici une somptueuse biographie du cinéaste, s’appuyant autant sur des images d’archives, où l’on voit témoigner Mastroianni et Delon, que sur des extraits de films.

Un homme entre sur scène, dégaine son épée et se met à chanter devant un parterre d’aristocrates. Cette image, tirée de Senso (1954), ouvre ce documentaire en le plaçant sous le signe de la fougue. Elle dit en effet le tempérament d’un homme qui n’hésite pas à choquer son public milanais en portant à la scène Adamo, une pièce d’Achard qui parle d’homosexualité. L’appétit artistique de Visconti le conduit tout naturellement vers le 7^e art. Il participe à la revue Cinema et réalise Ossessione en 1943, le premier film néoréaliste. Il rencontre Anna Magnani, qu’il dirige dans Bellissima (1951), la Callas qu’il fait chanter dans La Traviata, Thomas Mann dont il décide d’adapter Mort à Venise (1971), etc. Il n’y a que la mort qui pouvait interrompre l’énergie créatrice de Visconti. Lizzani termine par ses funérailles : visages tristes, cercueil noir ; et pourtant la voix du cinéaste reste présente, off, pour rappeler la cohérence d’une œuvre placée sous le signe du désir.

(Teddy Lussi)