Premier film de Jean-Bernard Marlin, Shéhérazade raconte, à Marseille, l’histoire d’amour entre Zac, qui sort de centre de détention pour mineurs, et la jeune Shéhérazade dont il devient le proxénète. Acteurs non professionnels, dialogues au plus près du réel, images d’archives en noir et blanc en ouverture : le film a une force réaliste indéniable, transcendée par le regard du cinéaste qui donne à ce monde des teintes de tragédie romantique.

C’est en un long plan séquence entre deux portes que sont filmées les retrouvailles de Zac avec sa mère. Le message est clair : il n’a pas sa place chez elle, et dès lors, il ne cesse de chercher un nouveau territoire, de la petite chambre que Shéhérazade partage avec un travesti à un trottoir mieux exposé pour les prostituées qui travaillent pour lui. Un autre plan séquence fait basculer le destin du personnage : Zac, arme à la main, entre sur un terrain de foot, tire pour venger celle qu’il aime, et ressort comme passant une frontière invisible, poussé par un amour qui le dépasse soudain. Le montage est à l’affût de cette éclosion amoureuse, notamment lors de la scène de la confrontation juridique où le plan réunissant les deux amoureux dure, alors que la juge reste hors champ. Lyrique, le film l’est autant dans sa lumière qui sublime les espaces en une teinte orangée que dans l’utilisation de la musique de Vivaldi sur les paysages urbains. Shéhérazade n’est alors pas sans rappeler les premiers films de Pasolini.

(Martin Drouot)

Prix Jean Vigo 2018. Césars 2019 : meilleur espoir féminin, meilleur espoir masculin, meilleur premier film.