Grace, Alaïde et Betsy ont à peu près l’âge qu’avaient leurs mères quand elles sont nées : 20 ans, ou un peu moins. Leurs parents sont venus de Côte d’Ivoire, d’Haïti, du Sri Lanka pour commencer une nouvelle vie en France. Elles ont grandi en banlieue parisienne, elles y sont parfois nées, parfois non. Flamboyantes les accompagne sur quelques années de leur jeune vingtaine et leur donne la parole : elle nous raconte leurs ambitions, ce qu’elles savent d’où elles viennent et ce qu’elles pensent d’où elles vivent.

Laetitia Tura nous emmène à la rencontre de femmes que l’on n’entend normalement jamais : elles ne sont ni blanches, ni bourgeoises. Elles en ont pourtant, des choses à dire sur leurs vies : au moins autant qu’elles semblent avoir de questions, face au silence de leurs parents, qui ne leur ont pas tout raconté de leur vie au pays, par pudeur, par tradition peut-être, et sans doute aussi pour mieux se plier à l’effort d’intégration qu’on leur a imposé. Pour ces trois jeunes femmes, il a fallu grandir sur une terre d’accueil, pas toujours accueillante : elles ont toutes vu leurs mères s’esquinter à la tâche des années durant. Elles ont eu le bac, parfois plus pour rendre fières leurs familles que pour elles-mêmes. Elles évoquent leurs ambitions d’avocates, très vite rattrapées par la froide réalité française : les filles d’immigrés sont envoyées en BTS. Elles ont leurs premières embauches, comme standardistes, caissières ou femmes de ménage ; on verra plus tard pour des études longues. Flamboyantes, c’est aussi deux mères, Victoire et Rajani, qui racontent leurs arrivées, les premiers hivers français, le racisme. On sent l’admiration que leurs filles leur portent, à raison. On comprend le poids que portent ces jeunes, celui de faire fructifier les sacrifices des parents. On imagine l’amertume d’une langue maternelle inconnue, non transmise, mais on apprend aussi, dans d’émouvantes et pudiques séquences, comment les histoires de famille se transmettent malgré tout.

Noé Vidal-Giraud