Dans ce Phone-Club-Vidéo, une petit boutique en piteux état du nord de Paris, les habitués viennent prendre un café avec le patron, téléphoner au pays, tuer le temps en discutant de tout et de rien. La caméra observe en plans fixes, parfois simplement les passants qui défilent sur le trottoir. Moustafa, l'un des habitués, s’accroche au téléphone et à internet afin de maintenir un lien avec le pays. Les générations d’émigrés se mêlent et les préoccupations restent les mêmes. La solitude, la débrouille et la nostalgie entretiennent ce huis clos intime et attachant.

"Ça fait longtemps que tu ne m’as pas appelée, pourquoi ?" demande sa mère à Moustafa. "Je t’ai appelée il y a quatre jours" lui répond-il. Alors qu’il s’apprête à revenir en Algérie pour quelques semaines, elle s’exclame au téléphone : "Ça fait 14 ans mon fils ! Nous, on a oublié ton visage. Quand je te verrai, je renaîtrai à nouveau !" Les conversations téléphoniques d’aujourd’hui se mêlent aux correspondances épistolaires d’hier. Dans les années 1970, le père de la réalisatrice écrivait à sa famille alors qu’il venait d’émigrer du Liban. Nabil se rappelle : "J'ai trouvé mes lettres chez mes parents dans un tiroir, après leur mort. Je leur écrivais deux à trois fois par semaine, surtout la première année." Il y prenait des nouvelles de ses proches restés au pays et y décrivait le coût élevé de la vie parisienne. Progressivement, le passé de Nabil semble se refléter dans le quotidien de Moustafa. Revenu d’Algérie, il confie : "Avant je me sentais comme chez moi là-bas, et maintenant je me sens comme un invité."

(Romain Hecquet)