À la fin des années 1980, marqué par l’explosion de l'Acid House, Wolfgang Tillmans veut montrer en quoi ce phénomène musical est une alternative au mode de vie des gens dits normaux et se lance dans la photographie. Il trouve sa voie au croisement de l’art contemporain et de la mode, où le vêtement n’est qu’un prétexte. Au cœur de sa démarche, la question de l’identité et le rapport à l’autre, individuel et collectif.

Le travail de Tillmans, né en 1968, suit deux orientations qui souvent se superposent : la recherche d’un "impact social qui ne soit pas politiquement neutre" et l’invention de nouvelles images. Ses nombreux portraits (ses amis Alex et Lutz, entre autres) jouent d’une provocation bon enfant pour "défier ce qui est convenu". Jean-Pierre Krief s’en fait le complice en montrant un fragment, puis la photographie entière. L’artiste s’amuse du rapprochement insolite de vues contradictoires pour semer le trouble : le diptyque sur la prière crée l’ambiguïté sur la soumission, à Dieu ou à un partenaire sexuel. Sa recherche formelle sur un figuratif poétique, épuré à l’essentiel, le mène à l’abstraction : les 56 vues du Concorde en plein ciel ou la série des lignes lumineuses vibrant sur fond de ténèbres. Il considère la mise en scène de ses expositions comme la moitié de son travail, là où ses photographies peuvent dialoguer entre elles et se contextualiser.

(Laurence Wavrin)