Bernard Blier (1916-1989) est l’un des plus beaux seconds rôles du cinéma français. De sa formation théâtrale à ses amitiés avec Simone Signoret et Jean Gabin, en passant par son emprisonnement pendant la Seconde Guerre mondiale, le film raconte de façon chronologique sa vie et sa carrière. Les extraits et les entretiens avec son fils, Bertrand Blier, et avec Fabrice Luchini complètent la parole du comédien, qui se livre lui-même généreusement à travers les nombreuses archives.

Le texte, d’abord le texte. Formé au Conservatoire par Louis Jouvet, Bernard Blier retiendra la leçon du maître : jouer ce qui est écrit. C’est en partant du texte, à force de le répéter, que naît le personnage. Si Jouvet le fait travailler uniquement sur Molière, Blier appliquera sa méthode aussi bien au théâtre qu’au cinéma (180 films au compteur). Sa diction parfaite impressionne dans les dialogues populaires de Michel Audiard, notamment Les Tontons flingueurs (Lautner, 1963). Epanoui dans des rôles de mari jaloux, à l’image du Maurice de Quai des orfèvres (Clouzot, 1947), ou de méchants, tel le Javert des Misérables (Le Chanois, 1958), Blier n’a pas peur de l’ambigüité : il met en lumière la cruauté du comique de Pierre Richard avec Le Distrait (1970) et de Jean Yanne avec Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (1972). Dans Série noire (Corneau, 1978) et dans Buffet froid (1979) pour lequel Bertrand Blier lui demande de tout gommer, son jeu devient épure. Car comme le lui a écrit Jouvet : "Il faut jouer léger pour avoir du poids."

(Martin Drouot)