Un hommage à la poésie, à la musique, à la truculence, aux paysages, à la nature et à l'art de vivre martiniquais, à travers le portrait attachant de Ti Raoul (1934-2017), l'un des derniers grands maîtres du bel air, forme traditionnelle associant le chant, les tambours et la danse. Ti Raoul le neg' terre, le bluesman pamphlétaire des mornes, s'est battu pour rendre à la jeunesse de l'île le goût de ses racines africaines.

Dans les bois, au crépuscule, à la lueur d'une torche, la voix poignante de Ti Raoul accompagne un ladja, combat dansé acrobatique rythmé par les tambours. Les traditions qui datent de l'esclavage sont l'expression profonde de l'identité martiniquaise. Ti Raoul est la voix des neg' terre, ceux qui occupent les parcelles ingrates dont les békés, les propriétaires blancs, ne veulent pas. A Sainte-Marie, berceau du bel air, la force communautaire s'exprime avec enthousiasme dans une chanson contre la venue de Jean-Marie Le Pen aux Antilles. Compositeur épris de solitude, qui vend les légumes cultivés dans son jardin, Ti Raoul a enregistré quelques disques et a été invité dans des festivals à Cuba, New York, Paris ou Avignon. En concert avec le saxophoniste américain David Murray, il apparaît comme un parrain du rap resté en contact direct avec le blues.

(Anaïs Prosaïc)