En juin 2002, la centrale pénitentiaire de Melun entrouvrit ses portes pour 50 spectateurs venus voir La Faute aux photons, spectacle d’une qualité exceptionnelle interprété par une dizaine de détenus. Engagé depuis 1999 dans ce travail théâtral, le metteur en scène Jean-Christophe Poisson a filmé des moments de conversations et de répétitions. Où il est question du monde, de la justice, de la dignité, de la cécité, du théâtre et du comédien.

Inspiré par les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center et par un récit de Borgès, la préparation du spectacle suscite chez ses interprètes toutes sortes de réflexions politiques (que penser de ces événements ? ne faudrait-il pas plutôt mettre en scène la condition du détenu ?) et artistiques (comment représenter la cécité ? comment dire le chaos du monde ?). Confronté à l’obligation de préserver un anonymat rigoureux, le metteur en scène-réalisateur a choisi de tirer un parti esthétique du floutage qui lui était imposé par le ministère de la Justice. La plupart des images se présentent ainsi sous une forme kaléidoscopique mouvante. D’autres apparaissent en petit format, cernées d’un large cache noir. Si le film donne peu à voir, il donne beaucoup à entendre. Ces manques qui ne doivent rien à la négligence traduisent l’extrême précarité du travail artistique mené en prison. Sa beauté troublante aussi.

(Eva Ségal)