Lorsque la réalisatrice Magali Magne découvre les petites bobines de films de Robert Bernas, elle est saisie par leur qualité esthétique et leur dimension historique. Avec l’aide d’Harry, le fils de Robert, elle décrypte le parcours de cette famille juive fuyant les événements de la Seconde Guerre mondiale. De l’invasion de Vienne à la libération de Paris en passant par Marseille, le Maghreb et New York, ces films de famille intimes racontent le destin de tout un peuple.

"Mon père avait avant tout le sens de l’histoire. Mais pour lui la famille c’était important. Elle était dispersée et il fallait pouvoir montrer à ceux qu’on allait retrouver comment ça c’était passé" raconte Harry. Jeune garçon, il apparaît sur les images aux côtés de sa mère alors que Robert est derrière la caméra. Leur histoire est celle d’un exode, celle d’une angoisse latente, contrastant avec le bonheur permanent qui transparaît des visages filmés. Quinze jours avant la déclaration de la guerre, la famille, l'air insouciant, joue sur la plage. "On ne sait pas que le monde est en train de changer. Parce que les choses ne sont pas encore arrivées, mais elles sont en train de naître. Ce n’est pas totalement sans rapport avec ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui d’ailleurs." L'occasion d'interroger la crise migratoire actuelle, notre vision de l'accueil et du délit de solidarité. Dans les rues du Bronx qui devaient être leur échappatoire, Harry est confronté à l’antisémitisme. S'en est suivi la douleur du retour, une partie de la famille amputée, puis le silence et la volonté d'oublier.

(Romain Hecquet)