Du matin au soir, K., immigré africain, parcourt la ville. Levé tôt pour prendre son poste de vigile au supermarché, il est remplacé plus tard par un autre avec qui il échange sa veste. Après une journée émaillée de rencontres mystérieuses, K. redevient vigile pour une boîte de nuit, puis rentre chez lui. Est-ce bien le même personnage que nous avons suivi ? Plusieurs acteurs endossent son identité.

S’il s’inspire de témoignages de sans-papiers, Manmuswak n’est pas un documentaire. Réalisé par deux artistes, ce court métrage ne cherche pas à produire un discours sur le sujet mais questionne avant tout le regard que nous portons sur les étrangers. Les séquences qui s’enchaînent, situations flottantes, muettes et distanciées, laissent libre cours à l’interprétation. Le choix de sept acteurs qui se relaient dans le rôle de K. est le premier de ces effets de distanciation ; mais les relations que tisse le personnage le long de son parcours sont tout aussi énigmatiques. Qui est K. ? Par quelle ironie garde-t-il les "frontières" de nos supermarchés ? Au milieu d’une foule masquée est-il encore un étranger ? Son anonymat est-il une faiblesse de notre regard ou, pour lui, une chance de survie ? Si chaque séquence est une variation sur l’identité, la dernière nous rappelle, le temps d’un geste, que l’insolite est parfois l’expression d’un regard lucide sur la réalité.

(Sylvain Maestraggi)