Épousant la structure des textes de Michel Butor (fragmentation, répétition, variation...), Pierre Coulibeuf s’attache à donner un véritable style à son film. L’écrivain, à l’aise dans un jeu aux limites de la fiction, reprend au vol les questions de sa complice et poseuse d’énigmes Mireille Calle-Gruber, et parle de romans et de fictions, de frontières et de papier, de voyages et de réalité, et de son nom d’oiseau...

Un certain nombre d’indices sont donnés d’emblée au spectateur : un livre (La Modification, 1957), un voyage en Amérique, un groupe (le Nouveau Roman), une frontière. Nulle certitude qu’il y trouve la solution d’un fil continu : seules apparaissent les ponctuations de parcours dans la marge, lieu de prédilection de l’écrivain. Un des mobiles (Mobile, démon du passage, spectre du livre) est organisé autour d’un voyage initiatique aux Etats-Unis dans les années 1960, dont Butor revient avec une nouvelle forme littéraire mêlant les genres et les timbres (discours politiques, prospectus, descriptifs de catalogues, narration découpée en bandes, refrains de bord de mer...) qui le détache prématurément de la mouvance du Nouveau Roman. La littérature dissipe les malentendus ; cette manière dont la fiction apparaît, empêche de connaître la réalité qui s’échappe perpétuellement. Ainsi, les romanciers démontent les démons du faux-semblant pour trouver de nouveaux moyens de saisir la réalité.

(Christine Rheys)