Entre images – d’Épinal ou non – de la Martinique et paroles de jeunes gens, Nos îles brosse un portrait vivant rendant compte de la complexité de ce territoire dont la réalisatrice est originaire. Que le film suive cette jeunesse à la plage ou en ville ; qu'il la capte se livrer à des confidences intimes, évoquer des anecdotes ou aborder des réflexions plus profondes, il nous saisit par la confiance entre filmeuse et filmés, comme par la complicité reliant cette bande.

Cela débute par un plan révélant une plage de cocotiers, la mer avec en arrière-fond des montagnes, la terrasse d'un bar avec parasols, quelques barques accostées tandis que résonne au loin une musique entraînante. Puis, c'est le possible envers de cette carte postale que s'attache à déplier Nos îles. Donnant à voir d'autres lieux moins touristiques et exotiques, plus quotidiens, Aliha Thalien capte la parole de jeunes vivant en Martinique – qu'ils soient natifs de cette île ou d'autres. Consciente de son propre décalage avec ce territoire dont elle est originaire (elle-même ayant grandi et étudié en métropole), la cinéaste opère autant une déconstruction des clichés par les images que par les paroles recueillies. Aussi simple qu'efficace formellement, Nos îles aborde nombre des enjeux contemporains de la Martinique (tout en révélant leur intrication étroite) par le truchement de cette bande joyeuse et alerte intellectuellement : les problématiques décoloniales et post-coloniales, les liens avec la métropole et les conséquences que l'indépendance aurait sur ceux-ci, ou encore, les difficultés socio-économiques.

(Caroline Châtelet)

Prix Renaud Victor (doté par Images de la culture), FID 2023.