Visitée de nos jours par les touristes de Barcelone comme un des chefs-d’œuvre de Gaudi, la Casa Milá connut pourtant une triste période où, d’abord boudée par ses commanditaires qui la trouvaient "horrible", elle ne suscita plus qu’indifférence, avant d’être réinvestie par Dali. Tout en mettant en valeur l’originalité de cet immeuble au cahier des charges précis, Frédéric Compain relate l’histoire du conflit qui opposa Gaudi aux Milá.

Avec sa dernière œuvre civile, édifiée à partir de 1906 dans une riche avenue, Gaudi va au bout de la déstructuration d’une architecture fondée sur la ligne et l’angle droit. Passionné d’anatomie, il envisage l’immeuble comme un corps revêtu de peau, dont les pierres forment la chair et les piliers, l’ossature ; ce sont eux qui assurent la stabilité en laissant toute liberté d’onduler aux façades. Deux patios intérieurs, l’un circulaire et l’autre ovale, structurent le bâtiment. Le premier étage est entièrement consacré à l’hôtel particulier des Milá, tandis que les suivants comptent chacun quatre appartements, tous différents. Sur la terrasse, supportée par une voûte de 270 arcs paraboliques en brique, se dressent les formes singulières et fantastiques des cheminées, solitaires ou en bouquet. L’aspect organique de cette immense sculpture de pierre, dédiée à la Vierge du Rosaire, se manifeste jusque dans les détails, fers forgés des balcons ou plafonds sculptés des logements.

(Christine Rheys)