Au loin, des cheminées d'usine. Devant, une étendue d'eau. Entre les deux, un village perché sur un promontoire. Un paysage fermé comme une énigme. Gigantesque complexe industriel, le site de Fos est le résultat d'un projet démesuré des années 60, brutalement interrompu dix ans plus tard : faire de ce pays de pêcheurs et de bergers, entre Camargue et Provence, la Ruhr de la Méditerranée.

De fait, le complexe de Fos-sur-Mer, avec ses industries pétro-chimiques, ses aciéries, son port ultra-moderne, reste un paysage inachevé. En 1965, la population passe de 2000 à 40 000 habitants. 18 000 ouvriers, venus de tous les pays, arrivent à Fos sans que rien n'ait été prévu pour les accueillir. En 1968, lors de l'inauguration, Couve de Murville affirme encore que ce projet, basé sur une concentration des capitaux et des entreprises, est exemplaire de l'effort de mutation engagé par la France pour se hisser au premier rang des pays européens. Le mythe s'effondre au début des années 70, laissant un territoire dévasté et un projet inachevé. Jean-Loïc Portron décrypte les agencements complexes de ce paysage où se révèlent les signes de résistance des Fosséens, sans pour autant tomber dans la nostalgie.

(Sadia Saïghi)