L'ancienne Byzance, peuplée de Grecs pendant dix siècles, devint Constantinople sous l'Empire romain en l'an 330 de notre ère, puis Istanbul en 1453, à la prise de la cité par les Turcs ottomans. Si la ville n'a cessé de croître depuis - 12 millions d'habitants aujourd'hui -, elle garde l'empreinte de ce triple héritage, en dépit de l'exode rural massif, réimportant à ses portes l'islam honni par Mustapha Kemal, le "petit père" des Turcs.

A l'intersection de l'Europe et de la Route des épices, la ville fut longtemps constituée des seuls quartiers byzantin et de Galata, construits sur les rives de la Corne d'Or. La découverte du Nouveau Monde frappe la cité de plein fouet et réduit son négoce. Elle subit ensuite les contrecoups de l'affaiblissement de l'Empire ottoman, saigné par les guerres incessantes, et dont la puissance s'achève par son alliance désastreuse avec l'Allemagne lors de la Grande Guerre. C'est alors que se dresse Mustapha Kemal, qui va tailler dans le vif des us, coutumes, religions et frontières, et faire de la Turquie un Etat moderne. Son choix d'Ankara comme capitale va isoler Istanbul et la priver d'une majeure partie de ses constituants arméniens, grecs et bulgares. En 1994, 60 ans après la mort de Kemal, le parti islamiste remporte les élections municipales à Istanbul, réalisant ainsi la revanche des paysans d'Anatolie sur la ville, joyau de la tolérance religieuse et fleuron du cosmopolitisme.

(Doucha Belgrave)