Plongée dans le quotidien d'un kiosque à journaux, ce journal de bord est autant un film sur ce micro-espace, ses enjeux, que sur les rencontres qui s'y nouent. Les images filmées en immersion par la réalisatrice-commerçante, au téléphone ou en GoPro, sont ponctuées de séquences d'animation avec des objets de papiers. Ce procédé astucieux enrichit le portrait d'un métier, d'un quartier, tout en illustrant le fonctionnement de la distribution de la presse.

Sis dans le bourgeois XVI^e arrondissement de Paris, ce kiosque est une affaire de famille. Car, en venant aider sa mère à tenir la boutique, Alexandra Pianelli devient la quatrième génération à y travailler. La plasticienne et vidéaste va filmer ainsi six années durant en huis clos. Espace de travail tout d'abord, dont les rouages sont minutieusement détaillés, le lieu se révèle une fenêtre passionnante sur le monde, captant les mouvements de la société (manifestation contre le mariage pour tous, SDF, immigré vendeur à la sauvette, dématérialisation de la presse...), autant que les confidences de ses clients et habitués. La brièveté des échanges n'empêche pas que s'inversent certains rapports de classe et que se tissent des amitiés. Saisissant avec justesse et sensibilité les détails qui fondent le quotidien, le film se donne également comme une exposition du double travail de la kiosquière et de la plasticienne. Si la crise de la presse aura raison du kiosque, l'image finale, poétique et nostalgique, sonne aussi la fin d'un métier.

(Caroline Châtelet)