Comme beaucoup de jeunes filles de leur âge, Rede, Amparin, Inès ou Paquita ont quitté l’Espagne franquiste à la fin des années 1950 pour devenir bonnes à tout faire à Paris. Là où, disait-on, "il suffisait de se baisser pour ramasser l’argent au sol". Aujourd’hui revenues dans leur village de Polinyà de Xúquer, près de Valence, elles se souviennent avec une certaine nostalgie de ces années à la fois difficiles et heureuses.

A Polinyà de Xúquer, au tournant des années 1960, l’avenir paraît sombre. Le franquisme a fait des ravages dans les familles : de nombreux pères, Républicains ou simplement soupçonnés de l’être, croupissent en prison. Le travail est rare, l’économie tourne au ralenti. Pour les jeunes filles du village, Paris incarne alors un rêve de richesse et de liberté. Bien entendu, une fois sur place, elles découvriront une réalité bien différente. Le travail ne manque certes pas, à une époque où les "bonnes espagnoles" sont très "à la mode" en France. Mais leur condition est loin d’être idyllique : travail difficile, journées interminables, patrons parfois méprisants voire violents. Malgré cela, toutes évoquent leurs années parisiennes comme des années de bonheur et de liberté. Elles gagnent jusqu'à vingt fois ce qu’elles auraient touché en Espagne, troquent leurs robes noires traditionnelles contre des mini-jupes et profitent de leurs moments de repos pour courir les bals.

(Damien Travade)