Portrait d’un homme hanté par l’histoire de son pays, qui a choisi de lutter contre l’oubli avec les armes du documentaire. Filmer obstinément nous replonge dans la filmographie de Patricio Guzmán, indissociable du coup d’État qui a vu le Chili basculer de l’utopie à la répression en 1973. Au fil des entretiens, à partir d’extraits de films et d’éléments préparatoires, s’ébauche une profonde leçon de cinéma.

Si la vocation cinématographique de Patricio Guzmán est antérieure à l’élection d'Allende, le coup d’État qui destitue le président socialiste pour instaurer la dictature militaire donne à son œuvre sa trajectoire particulière. De La Bataille du Chili (1975-1979) au Bouton de nacre (2015), en passant par Le Cas Pinochet (2001) et Nostalgie de la lumière (2010), tous les films évoqués ici tournent autour de ces événements. Mais transmettre la mémoire des années sombres, raviver l’espoir déçu d’une société plus juste, ne va pas sans une réflexion sur les moyens du cinéma. À travers cette insatiable entreprise historique et politique, Boris Nicot parvient à faire émerger avec une grande délicatesse la dimension poétique du cinéma de Guzmán. Au détour des entretiens, le cinéaste égraine de précieuses considérations sur le documentaire en tant qu’art du récit, de l’observation et du montage, qui semblent accorder une place inattendue à l’émotion et à la contemplation de la nature.

(Sylvain Maestraggi)