L’usine Rhodiacéta de Besançon faisait la fierté de ses employés. À sa fermeture en 1981, elle était devenue un symbole de lutte sociale et d’émancipation culturelle pour ses 3000 ouvriers. Les travailleurs ont aujourd’hui laissé place aux graffeurs et le calme des ruines a remplacé le vacarme des machines. Mais dans ce lieu loin d’être délaissé, de nouvelles histoires continuent à s’écrire, à coup d’archives oubliées et d’aérosols colorés.

"Si elle n’avait pas fermé j’y serais encore," raconte un ouvrier. Les images des grèves, celles de A bientôt j'espère (1967) de Chris Marker et Mario Marret, sont encore ancrées dans les murs. De cette énergie militante et de la rencontre avec Chris Marker étaient nés le Groupe Medvedkine et, entre autres, le film Classe de lutte (1968), témoignage de la fronde ouvrière. "La Rhodia c’est à qui ? C’est à nous !" clamaient-ils. Le dialogue entre passé et présent est toujours bien vivant dans l'usine désaffectée et la Rhodia continue d’abriter des histoires personnelles. "La première fois que j’ai donné rendez-vous à ma copine c’était ici," raconte un graffeur. "C’est un bâtiment abandonné mais un lieu de vie pour beaucoup de monde," renseigne un explorateur. À l’annonce de sa démolition, les avis divergent. "C’est un sentiment de gâchis," dit un historien. "Ça va me donner de la clarté, elle est juste devant mes fenêtres," ironise une ancienne employée. Alors qu’est annoncé le classement par l'UNESCO des fortifications Vauban, voisines de l’usine, le film interroge notre rapport au patrimoine. Un témoin majeur du passé industriel français va disparaître.

(Romain Hecquet)