Amin (Moustapha Mbengue) travaille en France sur des chantiers. Il envoie de l’argent à son épouse Aïcha (Marème N’Diaye) restée au Sénégal avec leurs trois enfants qu’il regrette de ne voir grandir, ne revenant qu’une à deux fois par an au pays. Autour de lui, d'autres hommes, Abdelaziz, Sabri et les autres, sont eux aussi confrontés depuis plus ou moins longtemps à la douleur du déracinement. Dans le prolongement de ses précédents films, Philippe Faucon s’attache à décrire la diversité des déchirements intimes.

Après avoir réalisé plusieurs portraits de femmes, dont Fatima en 2015, Faucon brosse avec Amin le portrait d'un homme. Malgré son titre toutefois, le film offre également par touches impressionnistes un touchant portrait de groupe en exposant parallèlement plusieurs trajectoires individuelles. Si Amin se dégage des ouvriers que le cinéaste filme au travail et dans le quotidien de leur foyer, c’est parce qu’il est contraint de passer de plus en plus de temps, tôt le matin et tard le soir, sur le chantier du jardin de Gabrielle (Emmanuelle Devos). Divorcée, mère d'une adolescente, celle-ci l’accueille chez elle avec bienveillance et noue avec lui une liaison. Avec délicatesse, Faucon s’attache à recueillir le non-dit de leur relation. Le récit fait l’éloge du silence comme témoignage de la qualité de l’attention portée à l’autre, mais rappelle surtout la difficulté d’échapper à l’intolérance des regards extérieurs : ces mots qui jugent, blessent ou reprochent, en France dans la bouche de l’ex-mari aigri ou de la fille de Gabrielle, comme au Sénégal où l’entourage d’Aïcha doute de la fidélité d’Amin.

(Damien Truchot)