"Quand j'entre dans mon atelier, j'entre en scène", disait Delacroix. Ainsi, Valère Novarina (né en 1947) rythme cet entretien avec Pascale Bouhénic par la lecture de ses textes dans le décor alpestre qui environne son "atelier d'écriture". Cette maison d'enfance où il se réfugie pour écrire est un lieu retiré et il y fait toujours froid, comme "l'hiver avant la germination, la mort avant la naissance".

Pour l'auteur de Lettre aux acteurs, Le Drame de la vie ou La Chair de l'homme, l'écriture est liée au secret et procède de la sensation d'un manque - de théâtre, d'espace alentour. Elle se nourrit de l'admiration pour des artistes tels Dubuffet (dont il a "reçu de grandes leçons d'idiotie") et d'une infinie capacité d'émerveillement face au monde, aux êtres, au génie de la langue. Novarina perçoit les mots comme des noix ou des cailloux qu'il faut casser pour faire surgir ce qu'ils recèlent. Ou encore comme une anti-matière, des champs de forces. Contre le gel, la rigidité cadavérique du langage, il recherche le "printemps de la langue", sa mise en mouvement. Travail qui recquiert une mobilisation du corps entier - ce en quoi, dit-il, "je me suis toujours senti très proche de l'acteur".

(Myriam Bloedé)