Au port commercial de Caen-Ouistreham, Christophe, Didier, Thierry et Bruno travaillent dans le ventre des cargos pour décharger les marchandises. Ils forment une communauté soudée, partageant les valeurs et la passion d’un métier rude, qui se transmet de génération en génération. En se livrant à la caméra de Karine Le Petit, ces spécialistes du délicat et dangereux déchargement des billes de bois déplorent un métier amené à disparaître.

"On est tous des fils de... on est des nobles !" se vante ironiquement Christophe, faisant allusion aux ascendants dockers de l'équipe. La réforme portuaire de 1992 et l’évolution des moyens de manutention ont fragilisé leur statut, ouvrant la voie à leur disparition progressive. Le coup est rude pour ces enfants des quais : "C’est une corporation qui va s’éteindre avec le plus jeune de chez nous. Tout ce qu’on a construit, ça s’en va en fumée." Thierry se souvient : "J’ai arrêté l’école j’avais 16 ans, je savais déjà que j’étais docker." Christophe évoque l’importance qu’il accorde au regard de son père : "Il ne l’exprime pas mais je sais qu’il est fier de moi." "Etant jeune, mon père, on le voyait jamais, dit Bruno, tu dois avoir une carapace dure, tu dois pas montrer ta faiblesse." Les accidents jalonnant les carrières, dans cette communauté où la communication et les signes d'amitié sont rares, chacun doit pourtant affirmer sa place en veillant à la sécurité de ses coéquipiers.

(Romain Hecquet)