Au nord du Kirghizistan, sur les rives du lac Issyk Kul, vit Boris Vassilievitch Tchoumakov, ancien capitaine d’un port de commerce aujourd’hui désaffecté. 30 ans après l’effondrement de l’URSS, que reste-t-il de l’homme soviétique ? De ceux que l’histoire a privés de leur fierté patriotique ? C’est à cette question que Laurier Fourniau et Arnaud Alberola répondent avec ce portrait d’un octogénaire aussi vif que nostalgique.

Dans le port de Balyktchy, les grues désossent des épaves et les baigneurs ont remplacé les marins. En 2017, la ville kirghize, désormais aux mains des investisseurs chinois, achève sa mue de station balnéaire. C’est dans ce décor post-industriel, dont la caméra de Laurier Fourniau et Arnaud Alberola enregistre le moindre contraste, que surgit une fière silhouette. Droit comme un I dans son uniforme, quelque chose de M. Hulot dans la démarche, dans son goût pour la gymnastique aussi, Boris Tchoumakov a décidé d’écrire l’histoire d’un glorieux passé naval - aussi englouti que l’URSS - dont il a été l’acteur principal. Pour que la grandeur de la marine de Balyktchy ne sombre pas dans l’oubli. Si L’Amiral Tchoumakov documente, par le prisme d’un seul destin, toute une génération d’« hommes rouges » déboussolés et nostalgiques, il est aussi traversé par l’énergie d’un personnage singulier qui, à 84 ans, boxe, herborise, cite Balzac et refuse de capituler en entonnant encore Les Yeux noirs sous le balcon de ses voisines.

(Céline Leclère)