Dans un commentaire off au style très littéraire, l’artiste hollandaise Rineke Dijkstra, née en 1959, retrace méthodiquement son œuvre photographique et vidéographique, variation exclusive sur le genre du portrait qu’elle décline en séries. Elle évoque avec pudeur les circonstances d’une prise de vue ou son choix graduel du bon cliché. Sa quête incessante de la fragilité humaine, de la beauté non conventionnelle, est sa façon de parler d’elle.

Pour Rineke Dijkstra, ses voyages aux États-Unis, en Pologne, en Ukraine, en Angleterre ou en Israël sont autant de quêtes de situations vécues par tout le monde : le service militaire, la plage, l’école, etc. Elle revendique le double aspect documentaire et psychologique de son travail, situé entre le général et l’intime. Par la constance des cadrages – figures souvent en pied, parfois en buste, position frontale –, elle traque ce petit rien qui fait que l’on est soi. "L’uniforme" du soldat, du toréador, du collégien, du baigneur, consacré par l’usage, fonctionne alors comme révélateur de personnalité. La spontanéité joyeuse des enfants l’attire, mais plus encore la maladresse émouvante de l’adolescence, de qui ne sait plus ou pas encore quoi faire de son corps, de son être. Elle recueille les traces de la confrontation avec la violence de la vie, comme avec ces femmes nues qui viennent juste d’accoucher. Nul voyeurisme dans son approche, mais plutôt une empathie contagieuse.

(Laurence Wavrin)