A Madagascar, dans l'île de Nosy Lava, le bagne créé en 1911 par l'administration coloniale française a continué d'exister géré à l'identique, après l'indépendance du pays en 1960. Ils sont aujourd'hui quelque deux cents forçats au visage sans âge, oubliés là depuis des lustres, après avoir purgé leur peine. Après la diffusion télévisuelle de ce documentaire, les autorités se sont enfin penchées sur le sort de ces "damnés de la terre".

La relégation, cette "plaie du régime colonial", les a cloués ici, muant en perpétuité les condamnations initiales de quelques années. Ils ont vu se succéder les responsables politiques, les directeurs, ceux d'une administration pénitentiaire quasi invisible mais omnipotente. Depuis vingt ou quarante ans, ils travaillent donc "pour l'Etat" à l'entretien des locaux du bagne et à servir directeurs et gardiens. Pour quelques suppléments alimentaires, quelques vêtements de rechange, ils s'emploient aussi dans les villages voisins, pour aider aux champs ou aux rizières. Depuis le temps, les persécutions des gardes ont cessé. "Aujourd'hui, explique l'un des détenus, on ne nous tabasse plus, on nous laisse simplement mourir de faim." S'évader ? Cela ne leur vient même pas à l'esprit : "Il faut rester sans reproche envers l'Etat pour regagner en toute légalité la Grande Terre." Même si cette éventualité, aussi fascinante qu'effrayante pour eux après tant d'années, reste du domaine du rêve.

(Doucha Belgrave)