Après la guerre civile et l’invasion israélienne de 1982, Beyrouth est un champ de mines et de ruines. Chef du gouvernement, Rafiq Hariri (assassiné en 2005), fait rebâtir la ville par des entreprises qu’il contrôle. Les belles maisons ottomanes et les souks laissent la place aux gratte-ciel. Dans le port de Dalieh, les pêcheurs mènent un ultime combat pour sauver une activité et un mode de vie ancré dans une tradition millénaire.

Sarah Srage tente un dialogue avec son père, un cadre qui s’est investi corps et âme dans la démolition et la reconstruction de la ville. Mais tout les oppose. Avec tendresse et poésie, elle rend hommage à la communauté de Dalieh. Sur ce petit port s’est perpétuée une culture ancestrale, remontant peut-être aux Phéniciens. Au large d’une magnifique côte rocheuse, les pêcheurs jettent leurs derniers filets. Nul besoin de baromètre pour ce vieillard qui scrute les couchers de soleil, la lune et le vol des oiseaux. D’une fenêtre à l’autre, on se hèle. Certains élèvent des pigeons pour se livrer à des guerres rituelles sans conséquence et, au café, hommes et femmes dansent jusque tard dans la nuit. Les dunes où tant d’amoureux ont laissé des souvenirs sont devenues une décharge de gravats et les pneus brûlés dans une dernière manifestation n’y changeront rien. Le béton a gagné la partie. Entre Sarah et son père se dresse un mur de silence.

(Eva Ségal)