Evolutions du collectif. Grâce aux témoignages accablants d'habitants, relayés par une presse dénonçant nombre de scandales, architectes et historiens ont constaté l'échec des grands ensembles, nés certes dans l'utopie du confort mais plus encore dans l'urgence de la reconstruction d'après-guerre. Cette prise de conscience à partir des années 1970 a ouvert la voie à des logements sociaux inventifs et humains qui renouent avec la cité. Etat de la France en 1945 : 432 000 logements sont détruits et 820 000 inutilisables. Il faut bâtir, massivement : les grues dansent sur les images en noir et blanc. Une maîtresse de maison s'agite en Technicolor dans sa cuisine intégrée, au confort moderne. Des milliers de logements identiques se superposent et s'alignent ; tous ont une salle de bains. Le béton, matériau pourtant novateur au potentiel formel illimité, est synonyme d'économie et de rapidité pour un Etat qui doit tout financer. L'urgence, c'est l'intérieur ; au dehors, "aucun espace public, que de l'espace extérieur" (Roland Castro). Une habitante de La Courneuve parle d'angoisse et d'oppression. Bientôt, certains architectes s'insurgent contre l'appartement type, reproductible à l'envi. Renaudie, Portzamparc, Girard, tous cherchent à diversifier les compositions, les matériaux, à retrouver la ville grâce aux vues, aux terrasses plantées ou aux formes ouvertes et à redonner un sens à la vie de quartier.

Innovations. Les opinions contrastées mais souvent enthousiastes d'habitants, appuyées par des vues choisies de leurs intérieurs, présentent les logements sociaux d'aujourd'hui. Confort optimal pour chacun et bien-être dans le quartier sont les défis que relèvent leurs architectes, grâce à des matériaux, à des techniques et à des agencements étonnants pour ce type de programme. Dans HLM, il y a d'abord "habitation". C'est en écoutant ceux qui les occuperont que des architectes audacieux ont établi des priorités, qui régissent de fait la maison individuelle : grandes surfaces synonymes de liberté, commodités multiples pour que chacun soit autonome, espace sur plusieurs niveaux pour s'isoler, air libre et nature pour respirer. Pour les appliquer à l'habitat collectif, encore faut-il trouver des solutions novatrices. A Nîmes (1987), Jean Nouvel emploie des matériaux de bâtiments industriels et crée d'immenses salles de bains. A Reims (1992), Serge et Lipa Golstein conçoivent de vastes volumes sur plusieurs niveaux et avec peu de cloisons. A Villejuif (1993), Yves Lion donne à chaque chambre sa salle d'eau. Dialoguer avec l'environnement est primordial. A Montpellier, Edouard François projette ses terrasses-cabanes vers les platanes de la rue au moyen de longues passerelles. A Villejuif, le parc et le canal transforment la cité HLM en un lieu de promenade.

(Annick Spay)