Des usines à gaz ont occupé pendant plus de 150 ans d’immenses territoires de la banlieue parisienne, mais leur mémoire est aujourd'hui occultée. De ces installations perdurent des friches, dont Nicolas Thiébaut offre des images étranges et fugitives. Visions actuelles et photographies d’archives s’enchaînent en musique, tandis que diverses interviews expliquent le phénomène de cet oubli majeur et élargissent l’horizon de ce questionnement.

Entre lyrisme, témoignage et interrogation prospective, Nicolas Thiébaut rend compte d’une réalité peu connue, celle des usines de Saint-Mandé, Vaugirard, Passy, Alfortville ou Choisy, qui ont produit du gaz à partir de la houille pour éclairer Paris jusqu’à l’arrivée du gaz naturel. Comment la présence de terrains aussi vastes et le souvenir de milliers d’ouvriers ont-ils été gommés des mémoires, se demande l’ancien gardien de l’usine de Gennevilliers - dont les friches s’étendent, encore en 2004, à perte de vue -, tandis que l’architecte Michaël Fellmann souligne le potentiel exceptionnel des sites abandonnés. Photographies de gazomètres et portraits d’ouvriers surgissent d’un lointain passé dont on veut oublier la noirceur. Des propos de Roland Castro et de Jack Ralite, enregistrés lors de la rencontre Nouveaux territoires de l’art en 2002, concluent ce documentaire dont l’écriture personnelle donne à voir autant qu’à penser.

(Aude Mathé)