La carrière aussi longue que variée d'Henri Texier (né en 1945), contrebassiste-leader incontournable de la scène française, accompagnateur et collaborateur du gratin du jazz moderne, n'est pas vraiment l'objet central de ce film. Contournant les fatalités formelles du documentaire musical, Georges Nizan approche le musicien en mixant errance urbaine nocturne et fièvre jazzistique.

Tout commence par un concert dans le foyer du Palais de Chaillot, avec l'une des plus belles vues sur Paris la nuit. Henri Texier, que l'on entend souvent en voix off, avoue qu'il s'est fait son cinéma lui-même dès sa jeunesse, en se prenant pour un musicien noir américain. Enfant modeste du quartier des Batignolles, il a abandonné le piano pour faire chanter la contrebasse, multipliant formations, rencontres et invitations (Chet Baker, Don Cherry, Bud Powell, Lee Konitz, Daniel Humair, Michel Portal, Aldo Romano, Jean-Luc Ponty, etc.) que le film éclipse comme par pudeur. Des moments de répétition saisissent la relation complexe du bassiste-compositeur avec son groupe, le batteur Jacques Mahieux, complice de longue date, ou un jeune pianiste intimidé. Les extraits d'un concert, filmé selon un dispositif de travelling circulaire, gardent la distance avec la musique et les musiciens.

(Anaïs Prosaïc)