Correspondance épistolaire et cinématographique de la Norvège à la Corée du Sud entre deux réalisateurs presque quarantenaires, Letters embrasse des questions intimes et sensibles. Avec délicatesse, chacun se livre sur sa famille, sa place dans celle-ci et ses rapports à son pays ; les confidences comme la manière de se filmer sans fard atténuent la distance. La démarche opère tel un baume face aux doutes, au sentiment de solitude et aux moments douloureux que chacun traverse.

Marte vit à Oslo avec son compagnon et ses deux enfants. Jéro a retrouvé la Corée du Sud après treize ans passés en France, et s'est installé à Séoul pour rejoindre sa petite amie. Pendant une année, les deux réalisateurs s'écrivent en se filmant. Au fil de cet échange où ils se racontent leur quotidien, leurs préoccupations intimes émergent. Marte s'interroge sur comment composer avec sa position de femme, d'artiste et de mère – elle-même confiant ne pas savoir si elle a choisi d'avoir des enfants ("Mon corps a pris cette décision pour moi"). Jéro évoque, outre sa difficulté à retrouver sa place en Corée, les liens forts l'unissant depuis toujours à sa mère. Patiemment, la caméra se fait outil réflexif – amenant, par exemple, Marte à prendre conscience lors d'un entraînement de foot de son comportement à l'égard de sa fille – et met à l'épreuve leurs choix, comme leurs relations aux autres. Quoique éloigné géographiquement et culturellement, le duo partage des expériences et des sentiments, ce rapprochement s'accentuant lors de la récidive du cancer de la mère de Jéro.

(Caroline Châtelet)

Compétition internationale, Festival international Jean Rouch 2018.