Issu des Cinexpérimentaux, collection documentaire de Frédérique Devaux et Michel Amarger consacrée à des cinéastes de recherche, Visite à Su Friedrich brosse le portrait de cette artiste américaine méconnue en France. Visites des lieux de tournage, extraits de ses œuvres, dialogues devant son écran et rencontres avec ses proches collaborateurs s'entremêlent. L'ensemble donne à voir la richesse du travail d'une figure essentielle de l'avant-garde américaine pour qui l'intime et le politique ont définitivement partie liée.

Née en 1954, Su Friedrich a depuis la fin des années 1970 réalisé près d'une vingtaine de films. L'ensemble dessine un paysage multiple où s'effectue savamment la synthèse entre documentaire et fiction, recherche expérimentale et œuvre narrative, engagements militants et travail autobiographique. En suivant avec elle le fil chronologique de ses réalisations (The Ties that Blind, Lesbian Avengers Eat Fire, Hide and Seek, Seeing Red, Gut Renovation...), elle l'émaille de nombreux commentaires sur les processus de fabrication – certaines techniques étant parfois le fruit du hasard ou d'erreurs –, de présentations de croquis et de notes, ou, encore, de réflexions sur la place de la musique. Expérience du sentiment lesbien, sexualité féminine, droit au mariage pour tou.te.s, gentrification ou non-dits familiaux sont autant des thèmes, pour certains tabous, abordés en toute liberté par Su Friedrich. Queer et féministe, elle n'hésite pas, et non sans une belle impertinence, à profiter de l'invisibilisation liée à son sexe.

(Caroline Châtelet)