Lors de son invasion du Liban en 1982, l’armée israélienne a pillé le Centre de recherche palestinien situé à Beyrouth, confisquant documents et archives relatifs à différents moments de l’histoire de la Palestine. Kamel Aljafari parvient, après moult efforts, à en récupérer une partie, étalée sur une période allant des années 30 aux années 80.

Des images en mouvement de villes palestiniennes paisibles, joyeuses, et d’autres, beaucoup d’autres, de guerre, de destruction, de crimes. On s’attendrait à une réappropriation linéaire, datée, classée et expliquée. Il n’en est rien. La restitution est, au premier abord, déconcertante. L’entreprise ne consiste pas à juste rétablir une vérité usurpée. Les images ne sont pas chronologiquement ordonnées. Souvent muettes, parfois sonores, rarement parlantes, en noir et blanc ou en couleurs, elles sont répétées, biffées, colorisées par endroits et comme floutées, au rouge. Certaines sont accompagnées d’extraits de textes de l’écrivain militant Ghassan Kanafani, assassiné en 1972. Au lieu d’un retour d’images détournées, il s’agit d’un détournement retourné. À la violence et l’injustice du pillage, Aljafari oppose un juste acte poétique qui ne ménage pas le confort d’un spectateur impatient de « voir » la justice visuellement rétablie. Comme si la correction de sa représentation adoucissait la barbarie. Telle est la signification profonde du film : derrière ce désordre visuel, se cache, un ordre à venir, à construire au prix d’un sacrifice (le sens premier de fida’). Le plaisir suivra.

(Tahar Chikhaoui)