Avril 1963, Grand Théâtre de Nancy. Les notables de la ville inaugurent un festival de théâtre universitaire ; sur scène se joue Caligula avec, dans le rôle-titre, Jack Lang, cofondateur du festival. A partir d'images d'archives étonnantes et rares, et de nombreuses interviews, Jean Grémion et Lew Bogdan, autres piliers de la manifestation, nous racontent l'aventure passionnante que fut, pendant vingt ans, ce festival international.

En cinq ans, le festival est devenu un carrefour mondial de la création théâtrale. Dès 1964, Roland Grünberg ramène de Pologne le travail innovant de Grotowski ; les New-Yorkais du Bread and Puppet dénoncent la politique américaine au Vietnam ; spectacles et spectateurs sont en phase avec le théâtre de rue, d'action populaire et d'agit-prop que préconisent les groupes révolutionnaires. Années 1970 : l'inconnu Robert Wilson propose Le Regard du sourd et devient en une nuit une star de la scène mondiale ; le festival est le lieu de tous les possibles, un rituel jubilatoire. "Il y avait quelque chose de dionysiaque dans son déroulement", dit Jacky Chevalier, spectateur assidu. On y découvrira encore Kantor, Pip Simmons et, en 1977, Pina Bausch, alors que les organisateurs attendent 1000 acteurs, 40 compagnies et 200 000 spectateurs. Jusqu'à ce que, dans les années 1980, la manifestation se vide peu à peu de sa substance, de ses désirs, que les mentalités changent...

(Marc Guiga)