Marcel Hanoun (1929-2012), cinéaste parmi les plus novateurs, livre, selon ses propres mots, une "leçon de cinéma". Frédérique Devaux et Michel Amarger le filment chez lui à la campagne et composent un portrait d’une richesse débordante : les extraits de films et les éclats de bravoure théorique qui apparaissent en incrustation avouent la fièvre créatrice, la sourde agitation que cache la voix toujours posée du cinéaste.

La confidentialité des films de Marcel Hanoun n’a, hélas, rien de paradoxal. Son exigence, le souci obsédant de la différence et le besoin d’indépendance qui le caractérisent ne pouvaient aboutir qu’à des films radicalement autres. Les extraits de L’Authentique procès de Carl-Emmanuel Jung (1966), L’Automne (1972), La Vérité sur l’imaginaire passion d’un inconnu (1973) et Bruit d’amour et de guerre (1983-1997) suffisent, entre autres, à montrer quelles libertés il a prises avec le cinéma, ou plutôt, comment il en a sans cesse repoussé les limites. "La mise en scène est une feinte" ; partant de ce principe, la caméra de Hanoun peut ouvrir de nouvelles dimensions dans l’espace réduit de son studio-garage, condenser, par exemple, en un vêtement la Passion du Christ, ou en une serrure l’agonie de Jeanne d’Arc. "La création est en soi cri de non-obéissance" ; chez Marcel Hanoun cette phrase n’est pas une devise, mais l’évident constat d’une vie de cinéma.

(Mathieu Capel)