Sur la côte ouest du Cotentin, entre la baie du Mont Saint-Michel et le cap Carteret, gisent les vestiges d’étranges enclos de pierre ou de bois. Ce sont les traces d’anciennes pêcheries, ces pièges à poissons séculaires qui, au XIX^e siècle encore, se comptaient par centaines sur le littoral normand. Yves Léonard part à la découverte de ce patrimoine méconnu et donne la parole à ceux qui font vivre la dizaine de pêcheries encore en activité.

Qu’elles soient en pierre ou en bois, les pêcheries fonctionnent de la même façon : ce sont de vastes enceintes immergées à marée haute, dans lesquelles les poissons se trouvent prisonniers quand la mer redescend. Technique universelle et ancestrale, la pêcherie voit aujourd’hui son existence même menacée ; tout d’abord économiquement, par les autres modes de pêche, moins aléatoires et plus rentables ; mais aussi juridiquement. Le littoral français étant non privatisable, les pêcheries sont historiquement non pas des propriétés privées, mais des concessions. Celles-ci n’ayant pas été renouvelées depuis 1965, les pêcheries encore en activité sont depuis des "tolérances" au statut flou. Pour leurs exploitants, tous amoureux de leur métier (comme le dit l’un d’eux, Antoine Mahé), il devient donc urgent de sauvegarder un outil de travail qui est aussi un patrimoine culturel singulier. Et cela avant que ces dernières pêcheries ne soient, à leur tour, emportées par "le vent de l’Histoire".

(Damien Travade)