La publication de La Question en 1958 (éd. de Minuit) cause un choc. Témoignage sur la torture en Algérie écrit en prison par Henri Alleg, journaliste communiste tombé aux mains des parachutistes, le livre est bientôt interdit, intensifiant la polémique. Le pouvoir mettra 40 ans à reconnaître la réalité de la torture... comme pratique "minoritaire". Le militant, quant à lui, continue d’accompagner son livre devant les nouvelles générations.

Dans le décor d’une cellule de prison, le comédien Carlo Brandt interprète quelques pages de ce récit d’une précision glaçante. L’historienne Raphaëlle Branche éclaire les circonstances de la publication et les enjeux d’un livre qui se situe, selon elle, dans une tradition dreyfusarde de défense des droits de l’homme, plutôt que dans une position anticoloniale. Dialoguant avec l’écrivain Bertrand Leclair, Henri Alleg se défend d’avoir voulu faire de la littérature. Les sévices qu’il décrit, d’innombrables Algériens dont la parole ne pouvait être entendue les ont connus. Ainsi que son ami le jeune mathématicien Maurice Audin, mort sous la torture (auquel l’artiste Ernest Pignon-Ernest a rendu hommage dans une installation réalisée à Alger en 2003). C’est pour eux qu’il a écrit. S’il continue à porter témoignage, inlassablement, c’est parce que la torture, loin d’avoir disparu, se perpétue, qu’il s’agisse des Etats-Unis ou d’Israël, avec le même alibi : la lutte contre "le terrorisme".

(Eva Ségal)