Assistant le photographe allemand Thomas Hoepker, l'artiste plasticienne Clara Claus réside et travaille chez lui dans les Hamptons, dans l'État de New York. Après avoir entendu des bruits nocturnes, la jeune femme découvre, via les caméras de surveillance de la maison, qu'un homme – supposément un voisin – vient rôder la nuit, l'épier par la fenêtre de sa chambre. Débute pour elle une enquête sur ces visites. La mise en abîme de cette situation par le geste cinématographique, en jouant avec les conventions du film d'angoisse, devient un dispositif de protection pour la réalisatrice.

Tout en feuilletant des ouvrages dédiés au travail de Thomas Hoepker, Clara Claus précise : "Parfois les gens photographiés se sont plaints d'être exposés à leur insu, mais Thomas a toujours défendu que s'il avait demandé la permission, il n'aurait pas obtenu la photo." L'on devine à cette déclaration que la réalisatrice n'a pas plus demandé au photographe son aval pour le filmer. L'on saisit, du même coup, que Nightvision va rebattre à loisir les cartes du voyeurisme et du qui regarde – à son insu – qui. Enchâssé entre deux récits de rêve – et assumant par-là la part fantasmatique de son propos –, le film mêle différents régimes d'images : celles filmées par Clara Claus ; celles, noir et blanc, des caméras de surveillance au grain grossier ; et celles des photos de Thomas Hoepker, parfois agrandies à l'extrême pour être retouchées. Le quotidien trivial est contaminé par l'angoisse née du sentiment de traque, tandis que se réaffirme l'idée du pouvoir des images – et de celui qui les produit.

(Caroline Châtelet)

Compétition française (mention spéciale Prix du court métrage), Cinéma du Réel 2021.