En compagnie d’un jeune photographe activiste, Yassin al-Haj Saleh, écrivain syrien dissident, décide de quitter la Ghouta, quartier de Douma libéré par L’Armée syrienne libre, pour se rendre à Rakka occupée par L’Etat islamique où son frère a disparu. En chemin, l’homme évoque la menace qui pèse sur l’élan révolutionnaire du peuple syrien. N’ayant plus les moyens d’agir, il s’exile à Istanbul.

Tourné en 2013, Our Terrible Country offre une immersion saisissante dans la guerre civile qui déchire la Syrie depuis 2011, à un moment de basculement, celui de la montée en puissance de L’Etat islamique, force venue d’Irak contaminer la lutte contre Bachar el-Assad. Le portrait de Yassin al-Haj Saleh, intellectuel précurseur de la révolution, emprisonné par le régime de 1980 à 1996, qui commence dans une zone urbaine libre mais dévastée, se transforme en traversée du désert jusqu’à Rakka. Là, dans la chaleur écrasante, cet homme auquel les réalisateurs vouent une profonde admiration révèle peu à peu sous un sourire modeste les inquiétudes qui le rongent. Comment agir en tant qu’intellectuel dans un monde qui s’effondre ? Comment continuer à espérer malgré la mort qui menace et la tristesse de l’exil ? La liberté conquise n’est-elle qu’une vaste ruine ? Le courage de cet homme et de ses compagnons paraît d’autant plus sensible qu’affleure leur fragile humanité.

(Sylvain Maestraggi)