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Résumé
En 2011, Saeed Al Batal et Milad Amin, étudiants en ingénierie et aux beaux-arts, quittent Damas pour Douma, principale agglomération de la Ghouta orientale dans la banlieue de la capitale. Pendant plus de quatre ans, avec Ghiath Ayoub, Abel Al Rahman Al Najar, Rafat Beram, Ghith Beram, Tim Siofi et Soleiman Al Naaeb, ils vont recueillir 450 heures d’images de leur quotidien. Dans Douma en ruines, tout d'abord libérée et gagnée par l'euphorie révolutionnaire, puis sombrant dans la détresse avec le terrible siège orchestré par le régime de Bachar al-Assad, ils composent une cartographie intime et collective d’une société en lutte.
Dans une interview avec des journalistes britanniques, Saeed déclare que sa caméra est son arme, la matérialisation de son acte de résistance. Still Recording montre la naissance d’un geste pur de cinéma : de l’apprentissage des rudiments de l’image par le comité de coordination de Douma (qui forment des cameramen), aux expérimentations visuelles en passant par une réflexion sur la place du cinéaste. En caméra subjective, les réalisateurs proposent un discours par l’image, sans recherche d’exhaustivité ou de sensationnel, qui déconstruit l’instrumentalisation des corps, opérée autant par le régime assadien que par les médias occidentaux. Ils réinsufflent une vitalité et une humanité au conflit, de la morale réfléchie d’un sniper prenant des nouvelles de sa mère à la douce folie d’un joggeur s’obstinant à s’entraîner sous les bombes. À travers le prosaïque, ils témoignent d’une nation qui cherche d’abord à se réconcilier avec elle-même, tels ces deux soldats pro et anti-régime qui débattent sur les ondes d'une radio.
(Robin Miranda das Neves)
Descriptif technique
- Production
- Bidayyat For Audiovisual Arts, ROUSL Group, Films de Force majeure, Blinker Filmproduktion
- Participation
- CNC, Institut français, Berlinale World Cinema Fund, Doha Film Institute
- Réalisation
- Saeed Al Batal, Ghiath Ayoub
- Année
- 2018
- Durée
- 123'
- Double disque
- non
- Couleur / N&B
- couleur
- Genre
- Documentaire
- Diffusion
-
- Prêt aux particuliers par l'intermédiaire des médiathèques : oui
- Projection publique : oui
- Diffusion en ligne : oui
Avis
Sélectionné par
Faire des images, cela consiste à donner des nouvelles pour qui revient faire signe de loin en loin. Faire des images c'est aussi donner des preuves d'existence pour ceux qui à chaque instant reviennent de loin. « Video ergo sum » pourraient dire ces jeunes Syriens qui, habitant la ville de Douma dans la Ghouta orientale à vingt kilomètres de Damas, sont jetés depuis 2011 dans la guerre civile en y expérimentant la difficile possibilité d'en témoigner par des images qui disent « nous » sans s'empêcher de dire « je ». Le b.a.-ba du cinéma comme la vie s'apprend sous un ciel de plomb inversé à l'image d'un tapis de bombes. L'apprentissage balbutiant et persévérant d'un tissage d'images précaires est une rhapsodie aidant à soutenir l'existence en en rapiéçant les lambeaux. Still Recording émeut en s'exposant comme école théorique et pratique pour apprenants et enseignants amateurs qui apprennent et enseignent dans le même mouvement qui est celui du maître ignorant.
Opérateurs de guerre improvisés que la mort a au moins pour l'un d'entre eux fauché, ces amateurs de cinéma sont détenteurs d'un trésor de 450 heures de rushs passées clandestinement à Beyrouth afin que les amis et réfugiés syriens du groupe Bidayyat assurent le montage d'un premier long-métrage tourné depuis l'œil de cyclone. Les maîtres ignorants s'y montrent comme des amateurs apprenants aimant toujours plus ce qu'ils font, alors que la guerre civile s'enlise en vérifiant qu'elle est l'état d'exception dont l'incivilité est la règle. Le cinéma n'est pour ses praticiens un métier qu'à l'être de vivre malgré la guerre in-civile. Et leurs images sont un trésor de guerre disponible pour aujourd'hui mais tendu par le temps à venir – le temps d'après la guerre.
(Saad Chakali, Médiathèque Edouard Glissant, Le Blanc-Mesnil)