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Résumé
Le 28 octobre 2015 après-midi, le bateau sur lequel l'artiste syrienne Amel Alzakout (née en 1988) tente de joindre l'Europe fait naufrage entre les côtes turques et l'île de Lesbos. La caméra étanche qu’elle a attachée à son poignet, livrée à elle-même, filme une explosion de couleurs vives, entre le bleu du ciel et de l'eau transparente, les gilets de sauvetage orange et les vêtements des naufragés attendant les secours. Sur ces images folles et incontrôlées, l'artiste pose une voix off calme, qui rend compte de cette expérience à la fois intime et collective.
Filmer ce voyage pour son ami se trouvant déjà à Berlin était apparu indispensable à Amel Alzakout. Dans Purple Sea, elle n’a pourtant gardé que les images qu'elle ne pouvait plus maîtriser. Ce jour-là (où "le soleil brille" et où "la mer est d’un bleu vif"), sa caméra, ballottée, secouée, enregistre ce qu’il se passe sur et sous l'eau. La crainte que le pire pourrait advenir (il y aura 42 noyés sur les 316 naufragés) naît dès le début du film et sera permanente face à cet apparent plan séquence d'une immense pudeur. Nourrie par les sons que capte le micro de la caméra (bruits étouffés sous l'eau ; cris qui jaillissent à la surface), la voix off nous étreint par son décalage. Le texte déchirant qu'Amel Azakout a écrit après coup croise souvenirs, adresses à l'ami et récit de cette journée, tout en étant constamment traversé par un grand sentiment de colère froide. Elle condamne ainsi les images médiatiques à une abjecte distance, nous contraignant à ressentir, dans une perspective bien plus radicale, poétique et politique, une empathie infinie pour celles et ceux qui vivent encore de telles situations.
(Damien Truchot)
Festival Visions du Réel 2020, compétition internationale.
Descriptif technique
- Production
- Pong Film, A. Alzakout
- Réalisation
- Amel Alzakout, Khaled Abdulwahed
- Année
- 2020
- Durée
- 67'
- Double disque
- non
- Couleur / N&B
- couleur
- Genre
- Documentaire
- Diffusion
-
- Prêt aux particuliers par l'intermédiaire des médiathèques : oui
- Projection publique : oui
- Diffusion en ligne : oui
Avis
Sélectionné par
Souvent la critique de cinéma use et abuse de la métaphore immersive. Quand, soudain, le réel advient à l'occasion du naufrage d'un bateau de réfugiés syriens. Parmi les rescapés, Amel Alzakout qui tient à sa caméra comme un gilet de sauvetage. Purple Sea ouvre la coulée des images du désastre à la poétique des flux amniotiques, des transmissions sanguines et des ruptures de membranes maternelles. Au milieu des mains géantes, des corps agglutinés et des déchets, les formes se décomposent et se recomposent dans un quasi-plan-séquence entre le sang maternel et le bleu du ciel. Faire des images est un geste de résistance à la noyade. Les sifflets et cris engloutis autorisent aussi une manière de retenue face à l'émotion extrême de la situation. La voix de la réalisatrice nous parle déjà depuis le temps de l'après, doucement, par légères bouffées redonnant au spectateur la possibilité de respirer. L'immersion, le spectateur ne s'y noie pas en l'accueillant dans sa dimension naissancielle.
Saad Chakali, Médiathèque Edouard Glissant, Le Blanc-Mesnil.