À la fin des années 1960, Amilcar Cabral, chef du parti pour l’Indépendance face au colon portugais, envoie quatre jeunes guinéens étudier le cinéma à Cuba afin qu’ils puissent accompagner la libération de la Guinée-Bissau. En 2014, les films issus de ces archives sont restaurés et projetés à la population guinéenne lors de séances itinérantes. Le soir, sur la place publique, jeunes et anciens débattent de leur histoire. L’avenir a-t-il tenu ses promesses ?

En même temps qu’à la naissance de la République de Guinée-Bissau, c’est à la celle du cinéma guinéen que l’on assiste dans Spell Reel. Peu d’heures de film ont échappé aux ravages du temps. De la pellicule délavée ressurgissent les fantômes de l’Indépendance : le spectacle de la lutte, mais aussi l’utopie politique portée par Amilcar Cabral, qui voulait sortir son peuple de l’ignorance avec un véritable programme politique et qui sera assassiné en 1973. Après l’Indépendance en 1974, Chris Marker viendra parrainer les jeunes cinéastes au sein de l’Institut national du cinéma, qui se donne alors pour objectif de créer un espace national par l’image. L’artiste Filipa César lui rend hommage par sa recherche formelle. Par l’intermédiaire d’images en split screens, le film fait se superposer images d’archives et cinéma direct, nous initie aux gestes de restauration et de numérisation tout en méditant sur les entrelacs de l’histoire, dont les racines de la mangrove guinéenne se font la métaphore. Par-delà l’oubli, le rappel des luttes du passé trouve bientôt des résonances dans les luttes d’aujourd’hui.

(Sylvain Maestraggi)