Soutenus par les animateurs et les techniciens des ateliers audiovisuels du Centre pénitentiaire de Marseille, les détenus composent leur film, en construisant un scénario tout personnel et en l'interprétant à leur façon. Contée par lui-même, l'histoire d'Aziz, venu au monde "en pleine révolution" de 1968, "comme la naissance de tous les mécontentements".

Aziz les a comptés et recomptés : 2000 jours de détention, de "même colline et de mêmes repères" dans l'encadrement de la fenêtre de sa cellule. 2000 jours depuis qu'il a "quitté la vraie vie". Une vie mal engagée dès le départ, Aziz tient à le rappeler : il naît en mai 68 dans un asile psychiatrique faute de place à l'hôpital voisin. La suite, le jeune détenu l'évoque sobrement en voix off, à la manière d'un conte, sur des images d'archives, de rues et de couloirs de prison, de ciels bas, sur de beaux plans rapprochés de ses yeux, de son corps, de son visage juvénile et grave. Aziz le souligne : "Les bêtises, il fallait les vivre pour ressentir des sensations, connaître autre chose, ne pas avoir une vie plate." Mais comme il le découvre aujourd'hui avec l'élaboration du film, "le virtuel, c'est bien", car quand on crée, quand on invente, "on ne risque rien, on n'a rien à craindre". C'est tout le contraire de la vraie vie où "il y a toujours la mort au bout".

(Doucha Belgrave)