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Résumé
A Bir Zeit, sur les hauteurs de Ramallah en Cisjordanie, le Musée Palestinien, édifice majestueux conçu par le cabinet d’architectes irlandais Heneghan Peng, est sorti de terre en 2016. Mais il ne possède aucune collection car le peuple palestinien, colonisé et occupé, s’est vu priver de son patrimoine et de ses archives. Que faut-il exposer ? L’absence ? La spoliation ? Ou l’espoir d’une libération nationale ? Au milieu des controverses, le musée s’achemine cependant vers le jour de son inauguration.
De la terrasse du musée, si la brume se levait, on apercevrait l’inaccessible Tel Aviv. Sous l’œil de l’armée israélienne, toujours hors-champ, la nouvelle direction du musée (Mahmoud Hawari, directeur, Reem Fadda, commissaire) met en place une exposition inaugurale sur le thème de Jérusalem. Joyau d’un patrimoine dénié ou détruit, Jérusalem est la capitale d’un État avorté dont subsiste l’enceinte de béton d’un parlement qui n’a jamais siégé. Des artistes palestiniens, locaux ou issus de la diaspora, prennent possession de l’espace des jardins avec des œuvres monumentales. Grâce à des ouvriers aux gestes experts, le chantier progresse. Le public est enfin convié. Mais en dépit des apparences, ce musée est une utopie. D’où le titre Feodora que Judith Abensour emprunte à l’œuvre d’Italo Calvino, Les Villes invisibles. Le film s’achève avec une séquence musicale et vocale qui ramène au projet initial abandonné, l’exposition d’une absence que le public aurait librement remplie de sa propre mémoire.
(Eva Ségal)
Compétition française, Cinéma du Réel 2021.
Descriptif technique
- Production
- Acqua Alta, Poteau d'angle
- Participation
- CNC, France Télévisions, CNAP (Image/Mouvement), Région Occitanie, La Fémis, Scam, Procirep, Angoa
- Réalisation
- Judith Abensour
- Année
- 2020
- Durée
- 80'
- Double disque
- non
- Couleur / N&B
- couleur
- Genre
- Documentaire
- Diffusion
-
- Prêt aux particuliers par l'intermédiaire des médiathèques : oui
- Projection publique : oui
- Diffusion en ligne : oui
Avis
Sélectionné par
Construire le Musée de la Palestine à Bir Zeit, ville universitaire au nord de Ramallah, est un geste esthétique, culturel et politique. Inauguré vide en 2016, il semble emblématique d’un état qui n’arrive pas à exister. Une première exposition conçue par Jack Perkisian devait commémorer la Nakba (le désastre, l’exil des Palestiniens en 1948) en accueillant des objets amenés par les visiteurs. Il n’en fut rien. Judith Abensour, assumant regard extérieur et subjectivité, donne vie à ce projet avorté en faisant résonner dans les espaces vides la voix off de Kamilya Jubran qui reprend des notes de Perkisian. Ainsi rêve et utopie s’inscrivent-ils dans cette architecture. La voix deviendra chant tandis que les jardins investis par artistes et ouvriers se seront métamorphosés en exposition sur Jérusalem avec sculptures monumentales et calligraphie illuminant la nuit. L'installation des œuvres d’art dans les courbes de la colline sont au cœur du film. L’art conceptuel rencontre la matière et ses contraintes. Mahmoud Hawari, successeur de Perkisian et archéologue de formation, souhaite désormais que le musée révèle les différentes strates de l’histoire locale. La dialectique entre vide et plein rappelle Foedora, l’une des villes invisibles imaginées par Italo Calvino.
Isabelle Grimaud, BPI-Paris.